Les banques ont jusqu’à présent eu de grandes difficultés à numériser les processus de financement du commerce de manière significative. De nouvelles tendances globales pourraient bouleverser le statu quo.
Les processus de financement du commerce sont complexes et reposent toujours largement sur des documents papier. Les banques et acteurs technologiques ont essayé depuis de nombreuses années de numériser ces processus, sans arriver à aucune innovation majeure à ce jour. La pression accrue venant de nouvelles tendances globales ainsi que l’évolution technologique sont en train de transformer le secteur. La prochaine étape sera-t-elle décisive ?
Ces dernières années, les opérations bancaires ont été fondamentalement transformées. Non seulement elles se sont révélées être une source de revenu stable pour les banques d'affaires, même en temps de crise, mais le rythme soutenu du développement technologique a également entraîné des améliorations massives en matière de satisfaction client, d'automatisation et de rentabilité. Le secteur d'activité très spécialisé du financement du commerce, où les processus manuels et basés sur le papier sont toujours en vigueur, est quant à lui resté en marge de cette transformation. Bien que cela puisse s'expliquer par le fait que les solutions y soient plus difficile à appliquer à large échelle que dans d'autres secteurs d'activité, tels que celui des paiements et de la gestion de trésorerie, d'autres facteurs influencent le développement des produits et services dans le financement du commerce.
La demande des entreprises en termes d’instruments de financement du commerce s’étend des garanties et lettres de crédit aux prêts assurés par les Agences de Crédit à l'Exportation (ACE) et aux solutions de financement de la chaîne d'approvisionnement basées sur les créances et les dettes. Cette dernière dépend fortement de la demande de biens et de services dans les grandes économies en croissance. Les guerres commerciales émergentes et les grands projets d'infrastructure tels que la "Belt and Road Initiative" (BRI) initiée par la Chine ou le gazoduc trans-adriatique (TAP) déplacent les couloirs commerciaux. Le potentiel de croissance de leur marché intérieur étant limité, les exportateurs doivent pénétrer de nouveaux marchés toujours plus risqués. Par conséquent, de plus en plus de petites et moyennes entreprises (PME) commencent à développer une demande croissante en solutions de liquidités et de sécurité couvrant les risques plus élevés associés à ces activités. Toutefois, ces entreprises ne sont pas prêtes à payer les commissions élevées actuellement imposées par les banques pour ces produits de financement du commerce. À moins que les banques ne soient en mesure de servir ces clients en leur offrant des services plus rapides et moins chers, ces PME sont obligées d'effectuer des transactions sur la base de comptes ouverts ou de chercher ailleurs des fournisseurs de solutions alternatives.
L'évolution du paysage du financement du commerce entraîne une concurrence accrue, mais pas uniquement entre les banques ayant une forte présence internationale. Ces dernières années, plusieurs prêteurs non bancaires ont gagné des parts de marché importantes grâce à leur présence numérique et à leurs services centrés sur le client. L’augmentation du nombre d'acteurs sur ce marché de niche se traduit également par une concurrence accrue pour les talents. En effet, au moment de remplacer des collaborateurs quittant le marché du travail, il est de plus en plus difficile pour les banques d'attirer de jeunes talents possédant les compétences nécessaires et étant prêts à effectuer des tâches fastidieuses, telles que la vérification de documents, la rédaction complexe de textes de garantie ou le traitement de documents papier. Certaines banques ont commencé à rationaliser la main-d'œuvre bancaire en délocalisant certaines activités. Si les processus plus standards peuvent facilement être externalisés vers d'autres pays, les fonctions plus complexes et plus orientées vers le client doivent être maintenues localement, rendant encore plus difficile le maintien d’une chaîne de valeur efficiente.
L’évolution constante de la réglementation est une question importante pour le financement du commerce. Alors que les banques sont confrontées à des régimes de sanctions de plus en plus complexes, elles doivent également faire face à de nouveaux types de clientèles, de nouveaux canaux de distribution ainsi qu’à des cadres juridiques et commerciaux supplémentaires (par exemple, la mise à jour des normes de messagerie SWIFT pour l'élaboration des règles uniformes de la CCI pour le commerce numérique). Ce défi ne peut être relevé de manière économiquement viable que si les processus de conformité de base liés aux transactions, tels que la lutte contre le blanchiment d'argent, la vérification des sanctions et la détection des fraudes, peuvent être entièrement automatisés.
Ces défis peuvent être relevés en adoptant de manière ciblée les nouvelles technologies disponibles. Nous aimerions présenter les domaines dans lesquels les banques peuvent accroître leur jeu numérique et améliorer leurs produits et services.
Ces défis peuvent être relevés principalement par l’adoption ciblée de nouvelles technologies. Nous choisissons de vous résumer certains des domaines clés dans lesquels les banques peuvent accroître leurs capacités numériques et améliorer leurs produits et services.
Même les petites banques passent des solutions basiques de la suite MS Office à des plateformes standardisées. Cela les aide à traiter de bout en bout les différentes offres de produits de financement du commerce. A terme, l'infrastructure technique passera des solutions centralisées internes à des logiciels plus modulables en tant que service (SaaS), ce qui permettra de réduire les coûts informatiques à long terme. Les solutions numériques facilitent également la gestion des flux de travail (par exemple, traitement local ou régional, externalisation/internalisation) ainsi que la collaboration entre les différentes fonctions de financement du commerce au sein de la banque (conseillers à la clientèle, ventes, gestionnaires de transactions, fonctions de conformité et de crédit). Compte tenu du degré élevé de collaboration interfonctionnelle et internationale dans les activités de financement du commerce, une gestion des flux de travail basée sur des outils informatiques peut se traduire par des gains élevés en efficacité et en transparence, ainsi que par une gestion améliorée des risques.
Les professionnels du financement du commerce étudient la possibilité de combiner une transformation numérique avec l'analyse des données pour tirer pleinement profit des données commerciales disponibles. La documentation physique, les multiples systèmes informatiques, les feuilles Excel, les documents financiers ou les échanges de courriers électroniques font tous partie d’un ensemble inexploité de données non structurées. La fonction de conformité a également été un facteur important dans l’adoption d’outils basés sur l'apprentissage machine et l'analyse des données. Dans les domaines comme le contrôle des sanctions, les nouveaux outils d'analyse fournissent des informations rapides et fiables, permettant ainsi de réduire la durée globale du processus. Dans un autre registre, lorsqu'une intégration complète des données dans les systèmes ne peut être réalisée (par exemple, lorsque les données sont sous forme de documentation physique), des robots peuvent automatiser la saisie informatique de ces dernières, réduisant ainsi le temps de traitement des documents papier. L'automatisation des processus robotisés (RPA) fait référence aux outils qui permettent l'automatisation des tâches de routine, répétitives et chronophages, afin de réallouer le temps des collaborateurs à des tâches ayant une plus forte valeur ajoutée. L'imagerie, la reconnaissance et le traitement avancé des documents sont des exemples d’application de la RPA.
En raison de l’adoption généralisée de solutions de connectivité bancaire pour les paiements et la gestion de trésorerie, les entreprises clientes attendent de leur banque un accès en ligne immédiat ; y compris pour les services de financement du commerce. Cela signifie également qu'elles s'attendent à ce que les services soient intégrés de manière transparente dans les différents canaux bancaires. La banque multicanal et la signature électronique sont des exemples de moyens qui favorisent un traitement numérique optimal et une meilleure expérience client.
L’attrait pour les canaux numériques ne se limite pas à l'interaction entre les entreprises clientes et leurs banques. Avec la disponibilité croissante de l’Open Banking (par exemple, la directive PSD2 de l’UE pour les paiements), on peut s’attendre à ce que les interfaces de programmation d’application (API) jouent également un rôle important dans le secteur du financement du commerce. Plus précisément, les API pourraient améliorer des tâches telles que la vérification des documents, le suivi de l’origine des marchandises, l'accès aux marchés secondaires et la garantie de l'interopérabilité des écosystèmes de commerce électronique.
Une telle infrastructure bancaire ouverte permet aux banques d'affaires de s'engager avec l'un des divers consortiums basés sur la Blockchain tels que we.trade, MarcoPolo, Voltron ou Komgo. Ces consortiums dirigés par des banques s'attaquent à un défi majeur de la numérisation dans le financement du commerce, à savoir le processus de bout en bout. Les platesformes basées sur la Blockchain fournissent aux participants un processus numérique et traçable et promettent d'inclure non seulement les commerçants et les banques, mais aussi divers acteurs présents tout au long de la chaîne de valeur, tels que les agences douanières, les transporteurs et les services d'inspection. Pour exploiter pleinement le potentiel de la Blockchain, un accord sur les normes et les règles des réseaux sera essentiel pour favoriser une large acceptation. La multitude de consortiums qui se disputent l'avantage du précurseur promet non seulement une plus grande sécurité dans le commerce international à moindre coût, mais elle pourrait également conduire à une coopération sans précédent entre les banques.